À seulement deux kilomètres au nord de l’île sud-coréenne de Ganghwa, un étrange dispositif sonore trouble la tranquillité nocturne. Depuis plusieurs mois, la Corée du Nord diffuse à l’aide de haut-parleurs géants des sons glaçants : hurlements de loup, tirs d’armes à feu, rires inquiétants et musique macabre. Cette guerre psychologique par le son illustre une nouvelle fois l’usage stratégique du design sonore dans des contextes de conflit. Mais quels sont les moyens techniques employés pour produire un tel effet ?
Des haut-parleurs à la puissance redoutable
Les haut-parleurs utilisés par la Corée du Nord ne sont pas de simples dispositifs de sonorisation. Ils appartiennent à une catégorie d’équipements spécialement conçus pour la diffusion sur de longues distances. On parle ici de systèmes LRAD (Long Range Acoustic Device), capables de projeter des sons jusqu’à plusieurs kilomètres avec une clarté et une intensité redoutables. Ces technologies sont notamment utilisées pour la dissuasion militaire ou le contrôle des foules.
Les haut-parleurs géants nord-coréens semblent atteindre des niveaux sonores avoisinant les 80 à 90 dB à plusieurs kilomètres, soit l’équivalent du bruit d’un marteau-piqueur. Grâce à des pavillons acoustiques et une amplification optimisée, ces systèmes permettent de cibler des zones précises, rendant l’environnement sonore oppressant pour les habitants de Ganghwa.
Un design sonore pensé pour l’anxiété
Le choix des sons diffusés n’est pas anodin. Ils sont conçus pour générer un effet de peur instinctif basé sur des fréquences et des timbres spécifiques. Voici quelques éléments de design sonore utilisés dans cette propagande sonore :
- Hurlements et cris : Les cris d’animaux, notamment ceux des loups, évoquent une menace primitive ancrée dans notre inconscient.
- Bruit de coups de feu : Les détonations brèves et soudaines activent notre système nerveux en simulant une situation de danger imminent.
- Musique dissonante : Des accords mineurs, des sons à basse fréquence et des mélodies répétitives sont souvent utilisés dans les films d’horreur pour instaurer une atmosphère angoissante.
- Rires inquiétants : Déformés ou exagérés, ils rappellent des clichés sonores liés à la folie et à la menace.
Ce type de design sonore repose sur des études psychoacoustiques et sur les réactions biologiques des êtres humains face aux sons. En diffusant ces éléments en pleine nuit, la Corée du Nord maximise leur impact psychologique sur les Sud-Coréens vivant à proximité.
Le son, une arme invisible mais puissante
L’utilisation du son comme arme n’est pas nouvelle. L’armée américaine a déjà expérimenté l’usage de basses fréquences (infrasons) pour désorienter des adversaires, et certains systèmes acoustiques sont même capables d’infliger des douleurs physiques. La Corée du Nord, en optant pour une diffusion de sons effrayants, utilise une version plus psychologique de cette guerre sonore.
En face, la Corée du Sud a déjà riposté par le passé avec ses propres haut-parleurs diffusant de la musique K-pop et des messages d’information destinés aux Nord-Coréens. Ce duel sonore illustre l’importance stratégique de l’audio dans les conflits modernes.
Un rappel sur l'éthique du son
En tant que passionné de son et créateur de LaSonotheque, j’espère sincèrement que mes propres sons ne seront jamais utilisés pour des projets aussi manipulateurs et machiavéliques. Le son est un outil puissant, capable d’émouvoir, d’éduquer et d’inspirer… mais aussi d’intimider et de manipuler. Ce cas nord-coréen nous rappelle à quel point la conception sonore doit être abordée avec responsabilité.
Que pensez-vous de l’utilisation du son comme outil de propagande ou de guerre psychologique ? L’éthique du design sonore devrait-elle être davantage encadrée ?